Prévu pour le 19 novembre sur PC, PlayStation 4 et Xbox One, le prochain jeu des créateurs de « The Witcher III » s’est enfin laissé approcher.
Huit ans déjà que l’on entend parler de Cyberpunk 2077, le nouveau jeu vidéo des créateurs de la trilogie The Witcher. Deux ans seulement qu’on le voit, d’abord à l’E3 2018, le salon du jeu vidéo de Los Angeles, puis à nouveau lors de son édition 2019 : de longues séquences de jeux, menées manette en main par un développeur, sans laisser la moindre chance à la presse de prendre elle-même les commandes.
Et puis, enfin, cette première rencontre, mardi 23 juin, quand nous avons finalement pu nous essayer au prochain jeu du studio CD Projekt Red, quatre heures durant. Désormais prévu pour le 19 novembre sur PC, PlayStation 4 et Xbox One, Cyberpunk 2077 se dévoile selon un dispositif très particulier. Pandémie mondiale oblige, les journalistes sont invités à rester chez eux, plutôt que de converger vers les locaux polonais du studio, ou dans un hall d’hôtel londonien, comme il est souvent coutume de le faire.
C’est donc en streaming qu’on découvre Cyberpunk 2077, comme on regarderait Netflix : on joue manette à la main et l’image s’affiche sur notre écran parisien, mais tous les calculs pour faire tourner le jeu sont effectués sur le PC d’un développeur, du côté de Varsovie. Forcément, on perd en qualité graphique ce qu’on gagne en bilan carbone.
Il y a aussi quelque chose qui relève de la mise en abyme à pratiquer ainsi un jeu vidéo cyberpunk, ce genre de science-fiction né dans les années 1980 mais finalement très actuel, qui nous parle de corporations toutes-puissantes et de surveillance en ligne. A jouer ainsi à un jeu qui parle de piratage informatique et de surveillance de masse, tout en sachant que son écran est observé, en permanence, par un des créateurs du jeu, depuis son ordinateur situé à des milliers de kilomètres de là.
Sous les impacts des balles
Dans les grandes lignes, on a redécouvert ce mardi, en prenant son temps, ce qu’on avait déjà vu en accéléré il y a deux ans. Dans la peau de V, au choix du joueur un ou une mercenaire bionique, on commence par rencontrer un autre malfrat à la petite semaine, un certain Jackie Welles, au moment où l’on s’avise à voler la même voiture. Six mois plus tard, les deux concurrents sont devenus complices et multiplient les petits boulots pour des « fixeurs », sorte de Uber de la criminalité.
On se fait ainsi la main sur une mission où il s’agit de retrouver une riche femme disparue, enlevée par des trafiquants d’organe. L’occasion d’expérimenter le système de combat, d’essayer de progresser discrètement en assommant les gardes avant de cacher leurs corps, ou, au contraire, en jouant du calibre lors d’une séquence très impressionnante qui voit le mur d’un appartement miteux s’effriter sous les impacts de balles. Heureusement, on retrouve la femme à temps, dans une baignoire remplie de glaçons, on retire la clé USB fichée dans sa tempe qui empêchait son système intégré d’appeler automatiquement les secours, et on entre dans son petit appartement en voiture, prendre un repos bien mérité.
Dans la présentation de 2018, au lendemain de cette mission, V sortait de son immeuble pour arriver devant une place grouillante de vie, d’animation, de véhicules et de panneaux publicitaires. Une relecture diurne des meilleures scènes de Blade Runner. On retrouvait Jackie chez un vendeur de nouilles, et celui-ci nous mettait en relation avec un nouveau « fixeur », un certain Dexter DeShawn, pour une mission autrement plus ambitieuse, autrement mieux rémunérée et, on le devine, autrement plus dangereuse.
On la fera aussi lors de cette démo. Mais avant, on a eu envie de vérifier une des promesses, presque trop belles pour être vraies, des développeurs : celle de pouvoir parcourir librement cette ville superbe, dense et crédible. Soyez rassuré : ce décor somptueux n’était pas qu’une façade de carton-pâte, arrangée pour les beaux yeux des journalistes. Il est tout à fait possible de laisser Jackie à ses nouilles pour aller arpenter les rues au hasard, s’engager dans une petite ruelle, ou de prendre une voiture pour aller voir ce qu’il se passe deux avenues ou deux kilomètres plus loin.
Peut-être y a-t-il un peu de poudre aux yeux tout de même, au sens où, dès que l’on s’éloigne des lieux liés à la quête principale ou des principaux axes routiers, les rues se vident très vite, l’activité se fait moins dense. Idem avec les magasins, dont les enseignes de néon promettent pourtant qu’ils sont ouverts, qui ne sont en réalité pas accessibles par le joueur si le jeu a décidé qu’il n’avait rien à y faire.
Exploiter les failles
On reprend ensuite le cours de la démo déjà aperçu à l’E3 2018. Dans un entrepôt occupé par des receleurs de matériel high-tech, lourdement modifiés et excessivement drogués, on tente de mener une négociation serrée afin d’acquérir un robot flat head, sorte de toutou de combat, labellisé MT0D12. On se rend alors compte qu’en termes de mise en scène le studio CD Projekt Red a fait de sérieux progrès depuis The Witcher III : le dialogue qui s’ensuit avec le chef des receleurs est tendu, rythmé (on n’a que quelques secondes pour choisir sa réponse, une arme étant pointée sur notre tempe), souligné par une musique électro qui prend aux tripes.
Evidemment (en tout cas, dans notre partie), la séquence dégénère et donne l’occasion, une nouvelle fois, de jouer des armes ou de discrétion — de préférence un mélange des deux. On comprend mieux, en passant, l’importance donnée au hacking : d’une pression sur la petite gâchette gauche de la manette, il est possible de pirater certains appareils électroniques et les soldats ennemis — car tout le monde, dans le futur, embarque des tas d’appareils cybernétiques. L’idée étant d’exploiter leurs failles pour, au hasard, détourner l’attention des adversaires en allumant un appareil à distance, de retourner leurs tourelles contre eux, voire de faire exploser leur grenade dans leur main.
Au sujet du hacking, cette démo de Cyberpunk 2077 était l’occasion de découvrir, pour la première fois, une autre mission : celle-ci se déroule dans une boîte de nuit pour le moins olé olé. On comprend vite que les clients viennent vivre ici une expérience sexuelle en réalité virtuelle interactive ou, à tout le moins, boire un verre en regardant une femme en hologramme et très nue danser de manière tout aussi suggestive sur une table.
Hypersexualisé
Pas de surprise : nous sommes bien dans un jeu CD Projekt Red, un studio qui a déjà « brillé » par le passé pour ses personnages féminins ultra-sexualisés — on se consolera tant bien que mal en se souvenant que, chez eux, les personnages masculins le sont aussi régulièrement.
Parce que l’on n’a plus 12 ans, mais aussi parce qu’on sait qu’à Varsovie un développeur du jeu est en train de regarder ce que l’on fait, on prend soin de regarder ailleurs et de plonger nos yeux chastes dans ceux d’Evelyn, la propriétaire des lieux. Celle-ci a une dernière mission pour nous : plonger dans un souvenir en réalité virtuelle, pour enquêter dans une chambre d’hôtel occupée par l’héritier d’une riche corporation, Yorinobu Nagazaka.
Le but de ce jeu : écouter la conversation téléphonique de Yorinobu et rembobiner la scène de ce film en 3D autant de fois que nécessaire, en analysant les sons, les images ou même l’empreinte thermique, de manière à découvrir où il a caché une mystérieuse « relique ».
On est alors pris d’un vertige : voilà que nous contrôlons V, un personnage de jeu vidéo, lui-même contrôlant un avatar dans une simulation en réalité virtuelle, tandis que nous-mêmes sommes surveillés par un développeur du jeu en train de regarder notre écran par-dessus notre épaule, depuis son bureau situé à 1 500 kilomètres de nous.
Télescopage des écrans, des réalités : difficile, en 2020, de faire une expérience plus cyberpunk que celle-ci. Une expérience excitante, rassurante aussi, même si on attend désormais avec impatience de savoir si, une fois ces quatre premières heures passées, le jeu de CD Projekt Red sera un peu moins dirigiste (a priori oui), un peu moins bavard (vu leur passif avec The Witcher III, on se montre prudent) et laissera le joueur davantage maître de ses actions plutôt qu’observateur d’une mise en scène spectaculaire.
Source: Lemonde.fr
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